Le fantôme de Malik Oussekine
Lorsqu’un conflit social s’enlise, le pouvoir parie traditionnellement sur le « pourrissement », c’est-à-dire la lassitude et le délitement progressif. Mais lorsqu’il s’ancre profondément dans le terreau de la colère populaire, les autorités profitent de sa radicalisation, sinon elles l’espèrent, la violence retournant l’opinion et rassemblant le pays autour de l’État garant de l’ordre républicain. Ce schéma cynique si souvent confirmé depuis une vingtaine d’années se retrouve aujourd’hui clairement adopté par l’exécutif. Mais il y a un mais. Le spectacle de la violence de certains « casseurs », les feux de poubelles allumés et les bris de vitrines doivent effrayer. Inversement, les charges de la police doivent rassurer et il ne faut surtout pas qu’une violence « légale » disproportionnée scandalise l’opinion et vienne au contraire renverser la stratégie sécuritaire qui cherche à recouvrir le combat social. Ce fut le cas en décembre 1986, avec la mort de Malik Oussekine sous les coups de policiers voltigeurs. La réforme de l’Université, la fameuse loi Devaquet, ne s’en remettra pas. Depuis le précédent de Malik Oussekine, la doctrine du maintien de l’ordre a été revue et corrigée, mais elle est toujours sévèrement critiquée pour ses excès, l’affreuse théorie des gilets jaunes énucléés en témoigne. Le retour des policiers motorisés, pour se déplacer plus rapidement et non pour frapper en se déplaçant – c’est la différence avec les voltigeurs de 1986 – vient ressusciter le spectre de l’étudiant battu à mort par des gardiens de la paix. Dans les éditoriaux de mars 2023, Malik Oussekine ressurgit subitement.
Mais au fait, qui était-il ? Sur les plateaux des télés d’information en continu, les faux experts – rémunérés pour parler de tout et de n’importe quoi – m’ont souvent fait bondir en décrivant Malik Oussekine comme un manifestant, ou bien encore comme un étudiant d’extrême-gauche. Il n’est rien de tout cela. Tant...