Hôpital

Frédéric Bizard : « L’État a abandonné toute vision réformatrice sur l’hôpital »

4 min

ANALYSE - Avec 1,2 milliard d’euros de déficit cumulé fin 2023, les 32 centres hospitaliers universitaires (CHU) français ont enregistré une dette jamais atteinte depuis 1958 et le début de la Ve République. Frédéric Bizard, économiste, spécialiste des questions de protection sociale et de santé, décrypte les causes de cette crise financière.

 Urgences de l'hôpital Pasteur 2 (CHU)
Urgences de l'hôpital Pasteur 2 (CHU)YSPEO/SIPA

FACTUEL. Les 32 CHU français ont atteint un déficit cumulé de 1,2 milliard d’euros fin 2023, soit trois fois plus qu’en 2022, selon la Fédération hospitalière française (FHF). Comment en est-on arrivé là ?

Frédéric BIZARD. L’hôpital est dans une crise existentielle parce qu’il est le réceptacle de tous les maux de la société. Il faut bien comprendre que c’est une crise multifactorielle. Vous avez des déterminants externes : les établissements hospitaliers souffrent de la crise des EHPAD, de la désertification médicale en ville, de l’explosion des dépenses en raison de l’inflation. Mais les problèmes sont aussi internes. L’hôpital public fonctionne sur des bases de 1958 (date de création des CHU, NDLR), aujourd’hui désuètes et qui n’ont quasiment jamais évoluées. L’organisation des carrières, des statuts notamment des PU-PH, la recherche, l’enseignement… rien n’a changé. Enfin, dernière causalité qui est cette fois-ci commune à tous les secteurs : la gouvernance de notre système de santé. Historiquement, l’hôpital a toujours été géré par l’État, à travers une gestion très administrative, technocratique. Les décisions sont prises par la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS) et par les agences régionales de santé. Progressivement, la gouvernance s’est démédicalisée et n’est fondée que sur la maîtrise comptable. Nous avons également un problème dans notre architecture de financement avec une sécurité sociale gérée par des mutuelles, des assurances privées. Résultat : c’est un système extrêmement coûteux, inégalitaire et inefficace.

Est-ce que cette situation financière délicate hypothèque le futur en termes d’investissements et d’innovations ?

Évidemment. L’État devra combler la dette et éponger ces 1,2 milliard de déficit. Cette somme ne pourra donc pas être utilisée pour soutenir l’investissement. Or, l’investissement, c’est quoi ? Tout simplement la modernisation des techniques, des établissements, de la médecine : l’hôpital de demain. Et finalement, cette dette d’1,2 milliard et ce non-investissement va se répercuter sur les conditions de travail du...

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