Etat islamique

État islamique : une « dette de sang » par-delà l’espace et le temps

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L’effroyable attentat survenu à Moscou au soir du 22 mars 2024 a remis en lumière la menace que continue de faire peser l’organisation djihadiste État islamique (EI) sur ses multiples ennemis, parmi lesquels la Russie occupe une place de choix depuis de longues années. L’attaque incite à s’interroger sur la force résiduelle de ce mouvement par-delà ses revers passés dans son terreau syro-irakien. De fait, armé d’une idéologie et d’une militance durablement transnationalisées, l’EI frappe encore et toujours en différents points du globe.

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Photo publiée par l’« agence de presse » de l’État islamique, présentée comme étant celle des quatre auteurs de l’attentat du Crocus City Hall, près de Moscou, qui a fait plus de 140 victimes le 22 mars 2024.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


Parmi les facteurs explicatifs de son endurance et de sa pérennité, la question de la « dette de sang » – quoique centrale dans le discours des djihadistes en tant que justification des attaques violentes qu’ils revendiquent – n’est que rarement soulevée, ou alors de manière très superficielle. Or, cette notion fait l’objet de travaux notables dans la littérature anthropologique. Cet article développe quelques réflexions à ce propos, destinées à rendre compte de la place prépondérante de la vengeance dans la perpétuation du combat mené à l’échelle globale par l’EI et d’autres mouvances djihadistes.

D’une coutume ancienne à sa subversion

Aborder la problématique de la dette de sang comme moteur du djihadisme, c’est se placer dans le champ lexical des représailles et de la rétribution dont elle constitue une forme singulière. Traditionnellement, selon la théorie de l’identité sociale, la dette de sang se réfère à l’action de tuer un coupable ou ses parents – l’exogroupe – en contrepartie d’une grave offense ou d’un crime ayant visé un membre de l’endogroupe. La dette de sang s’articule autour de liens de parenté fondés sur le sang et qui peuvent aussi être envisagés plus largement comme l’appartenance à une communauté qui n’est pas nécessairement ethnique. Dans le cas du djihadisme, des groupes se voient idéologiquement construits pour servir de cibles indiscriminées – l’« Occident », les « mécréants », les « apostats », pour ne citer qu’eux.

Les 143 morts de Moscou ont été ciblés en tant que « chrétiens », comme l’indiquait le communiqué de revendication de l’EI, alors qu’ils n’entretenaient aucun rapport direct entre eux et encore moins avec d’éventuels coupables – indiscernables eux aussi. Bien que la comparaison reste discutable, il n’est pas excessif d’évoquer « un Bataclan russe » tant la...

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