Cinéma

Dans « La Zone d’intérêt », une Allemagne nazie toute à sa jouissance matérielle

16 min

Dans la première scène de « La Zone d’Intérêt » (Jonathan Glazer), adaptation du roman du même nom signé Martin Amis, on découvre la baignade bucolique et joyeuse d’une famille allemande et de leurs enfants au bord d’une rivière, en plein été. Mais lorsqu’ils regagnent leur coquette maison, stupeur : elle est littéralement adossée au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz, où moururent plus de 1,1 million de personnes, dont près d’un million de Juifs, au cours de la Seconde Guerre mondiale. 

La famille Höss vit comme si de rien n'était, alors que seul un muret sépare la maison du camp de concentration d'Auschwitz.
La famille Höss vit comme si de rien n'était, alors que seul un muret sépare la maison du camp de concentration d'Auschwitz. Allociné

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


La « Zone d’intérêt », c’est le terme qui désignait dans le langage du nazisme, la zone de 40 km2 qui entourait le camp d’Auschwitz, en Pologne. La famille Höss a vraiment existé, et a effectivement vécu plusieurs années à cet endroit, entre 1940 et 1944. Le père de famille, le lieutenant-colonel Rudolf Höss, fut un instrument zélé de la « solution finale ». Jugé et pendu en 1947, il n’exprima jamais le moindre remords, ni au cours de son procès, ni dans ses mémoires.

En montrant le quotidien de cette famille, sa vie domestique, les fêtes et le jardin fleuri, et en laissant le camp hors champ (on ne voit jamais ce qui s’y produit même si la bande-son permet de l’imaginer), Glazer opte pour un point de vue glaçant qui invite à s’interroger sur la banalité du mal, mais aussi sur notre propre capacité de déni. Nous avons rencontré Johann Chapoutot, historien spécialiste du nazisme et auteur de « La loi du sang ; penser et agir en nazi » (2020), afin qu’il nous livre son analyse de ce film dérangeant.

Du point de vue de la déontologie historique et de l’éthique humaine, le cinéma ne peut pas se référer à des images de la réalité de l’assassinat par le gaz. 

Le cinéma qui s’intéresse à la Shoah semble pris entre la nécessité de réalisme (la fidélité à l’histoire telle qu’elle s’est déroulée) et celle de respecter la mémoire des victimes, sans rien montrer qui puisse porter atteinte à leur dignité, selon les préceptes proposés par Claude Lanzmann, notamment à travers son documentaire Shoah. Est-ce que ce que montre Glazer – le quotidien tranquille et « ordinaire » de cette famille de nazis – permet de respecter ces...

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