Hommage

Tribune de l'écrivain Patrick Eudeline en hommage à son ami disparu Tai-Luc

6 min

Le vendredi 1er décembre 2023, le chanteur punk devenu bouquiniste parisien Tai-Luc est décédé brutalement à 65 ans. Son ami le critique rock Patrick Eudeline lui rend hommage dans cette tribune pour Factuel. Pour lui, Tai-Luc est une victime collatérale de l'opération avortée de déménagement des bouquinistes décidée par la Ville de Paris en vue des Jeux olympiques.

@Marianne Touchard- Heyman & Sipa
Tai-Luc et Patrick Eudeline@Marianne Touchard- Heyman & Sipa

« Cinq siècles qu'ils étaient là. Ni la Révolution, ni les guerres, ni les occupations étrangères, ni le siège de 1871 n'avaient eu raison d'eux. Non, ce qui a failli tuer les bouquinistes, ce sont les prétendues inquiétudes tatillonnes du préfet Nuñez. Il y avait - pensez donc - une cérémonie sur la Seine ! L'ouverture des Jeux olympiques ! Quatre heures où allaient, sur des péniches, défiler les équipes internationales. Des barrières étaient prévues entre les quais et le public, et un important service d'ordre était prévu pour surveiller le no man's land ainsi formé. Qu'importe ! Et si par hasard un "terroriste"  arrivait à placer malgré tout une bombe dans ces boîtes hermétiquement closes et déjà pleines à ras bord ? Non ! Fallait virer tout ça. Démonter, stocker et puis un jour remonter... ou pas. Certaines de ces boîtes avaient plus de cent cinquante ans, consolidées tant bien que mal par des tenons de fer rouillés, elles ne résisteraient pas à un tel traitement. Qu'importe, le préfet Nunez n'en démordait pas. Il fallait virer ces kistcheries. Il y avait danger en la demeure.

Certains mauvais esprits murmuraient sous le manteau que démonter les boîtes permettait en fait d'installer des publicités géantes, animées et lumineuses du meilleur effet le long de la Seine. Des publicités que verrait donc le monde entier… Qu'il ne fallait pas chercher plus loin la vraie raison de l'opération.

Par chance, ce ne fut pas si simple. Il y eut un tollé. On ne compte plus les films, photographies, tableaux (ah ! Galien-Laloue, charmant réaliste oublié qui les a croqués avec tant de grâce), romans, ou les bouquinistes forment un bien évocateur décor. Les bouquinistes, c'était le cœur de Paris qui bat encore malgré tout. Un Paris de carte postale à la façon de Francisque Poulbot, Francis Lemarque ou Robert Doisneau....

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