Art

Julie Girard : « On peut s’interroger sur les dangers du wokisme sur la création artistique »

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ANALYSE - Lors de notre récente enquête sur l’influence du wokisme auprès des étudiants en art, plusieurs professeurs ont soulevé la question de l’impact de ces dérives sur la création artistique et le marché de l’art. Pour y répondre, Factuel s’est entretenu avec l’écrivaine et doctorante franco-américaine Julie Girard. Son deuxième roman, Les Larmes de Narcisse (Gallimard, 2024) explore la problématique du wokisme dans l’Amérique contemporaine. Ayant travaillé de nombreuses années dans le monde de l’art contemporain new-yorkais en tant que galeriste puis consultante, Julie Girard est également spécialiste de l’œuvre de Mona Hatoum.

Exposition d'art contemporain
Exposition d'art contemporain à Maribor en SlovénieMilos Vujinovic / SOPA Images/Si/SIPA

Factuel. Doit-on s’inquiéter de l’influence du wokisme chez les étudiants en art qui seront les futurs créateurs de demain ?

Julie GIRARD. Les étudiants en art d’aujourd’hui sont les artistes qui compteront dans le monde de l’art de demain. En effet, la financiarisation de l’art au milieu des années 90 est allée de pair avec sa professionnalisation. Alors que de nouveaux acquéreurs émergeaient – à l’instar des traders de la City (Londres) ou de Wall Street (New York), les artistes étaient recrutés de plus en plus tôt au sein des écoles par les galeries les plus en vue. Aujourd’hui, les galeristes qui régissent le marché – Gagosian, Hauser & Wirth, Pace Gallery, David Zwirner, entre autres – s’adonnent à un shopping de talents permanent. Les étudiants des plus prestigieuses écoles d’art sont approchés dès leur première année d’étude. De ce fait, on peut estimer que le wokisme, au sein des établissements artistiques, aura un fort retentissement à terme, car ces étudiants créent l’art de demain. Autrement dit, ces jeunes artistes vont façonner une grande partie de nos représentations culturelles et affecter, de ce fait, notre impensé.

Dès lors, l’influence du wokisme risque d’appauvrir considérablement la diversité des représentations que l’art nous donne à voir en circonscrivant les contenus créés à des enjeux toujours plus homogènes, non plus esthétiques, mais politiques.

Les représentations artistiques jouent un rôle d’autant plus important que nous nous en nourrissons pour construire notre identité et notre rapport au monde. Le philosophe Paul Ricœur parle « d’identité narrative », j’emploierais le terme de sédimentation. Nous sommes des êtres sédimentés, et parmi les sédiments qui nous composent, se trouvent toutes les représentations auxquelles nous sommes exposées : des fictions littéraires aux œuvres d’art plastique, sans oublier le cinéma et les séries télévisées. La confrontation à ces œuvres nous permet d’appréhender notre environnement,...

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