Intelligence artificielle

Laurence Devillers : « Nous sommes tous vulnérables face à l’intelligence artificielle »

4 min

ANALYSE - Depuis le 8 décembre, l’UE s’est dotée d’un règlement en matière d’intelligence artificielle, l’AI Act, qui provoque la méfiance des géants de la tech et des politiques. Laurence Devillers est spécialiste de l’intelligence artificielle, professeure d’informatique à Paris-Sorbonne, chercheuse au Limsi du CNRS et membre du Comité national pilote d’éthique du numérique.

Conférence sur l'intelligence artificielle
Conférence sur l'intelligence artificielle à Shangaï en juillet 2023 CFOTO/Sipa USA/SIPA

FACTUEL. Le commissaire européen au numérique Thierry Breton a qualifié l’AI Act d’« historique ». Que va changer concrètement ce règlement ?

Laurence DEVILLERS. Les États membres ont réussi à se mettre autour d’une table, à discuter et à trouver un accord sur une régulation de l’intelligence artificielle, et ça c’est historique. Et le défi n’était pas gagné d’avance puisque rassembler des cultures avec une éthique, une morale différente sur un sujet si complexe, peut s’apparenter à un long chemin de croix. Tout de même, ce n’est pas encore terminé. Il faudra attendre les trilogues techniques et un vote. Si cette loi est entérinée, elle ne sera mise en œuvre qu’en 2025.

D’ici-là, nous ne savons pas si le texte présenté actuellement sera le même dans deux ans, tant l’intelligence artificielle est en constante mouvance. Pour autant, concrètement, les IA à haut risque, utilisées dans le cadre de la sécurité de la surveillance, de la biométrie, de l’armement, sont désormais soumises à des réglementations plus strictes. Certains outils, comme Chat-GPT, devront explicitement indiquer à leurs utilisateurs qu’ils ne parlent pas à une vraie personne, ou que leurs créations ont été réalisées de manière artificielle. Dernier point : l’interdiction de la reconnaissance faciale dans les espaces publics et sur celle des outils de « police prédictive » a été adoptée.

Pourquoi cette législation est-elle nécessaire ?

Bien évidemment, il y avait des lignes rouges à fixer. On a senti que les 27 ont manqué de temps et que, dans la précipitation, certaines mesures pouvaient être mieux adaptées. Mais quoi qu’il en soit, nous sommes tous vulnérables face à cette technologie. Cette loi, c’est la possibilité pour l’Europe de faire valoir ses intérêts, ses valeurs, de mettre des garde-fous face aux Américains et aux Chinois, pour qui l’Europe est une manne considérable. C’est un rapport de force...

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