Comment l’État turc est-il (re)devenu un acteur géostratégique majeur ?

Au cours de cette dernière décennie, il n’aura pas échappé aux lecteurs avertis que l’État turc, conduit par son « sultan » Recep Tayyip Erdoğan depuis 2014, réussit une remontée en puissance notable.

Celui-ci a développé une impressionnante industrie de l’armement indigène (le drone TB2, le blindé Altay, l’avion-démonstrateur Hürjet, le futur avion-multirôle Kaan), adopté des postures internationales agressives mais réussies (menace sur navire militaire français, ingérences religieuseset politiques, confrontations musclées avec son voisin grec) et a démontré être un intermédiaire clé au sein des négociations russo-ukrainiennes de mars-avril 2022. L’État turc confirme un statut de puissance régionale.

Une politique de puissance assumée - l’exemple du Courbet

Comment expliquer un tel succès ? L’État turc est un exemple moderne de ce qu’on nomme une politique de puissance assumée - comprenez par ce terme la capacité à faire imposer sa volonté sur un acteur tiers.

La stratégie turque est majoritairement caractérisée par ce que nos amis anglo-saxons nomment pudiquement « calling your bluff out ». En effet, Ankara force d’autres acteurs étatiques à démontrer si ce qu’ils ont déclaré comme lignes rouges n’est qu’une posture de paroles… ou bien d’actes : celui-ci se retrouve alors obligé soit de réagir pour les faire respecter, soit de laisser faire.

Un exemple : le 10 juin 2020, la frégate Courbet de la Marine Nationale Française allait procéder à l’inspection d’un navire turc, suspecté de livraisons d’armes en Libye sous embargo de l’ONU. Cette mission était dans le cadre d’une mission de l’OTAN. Cette inspection n’a toutefois pas eu lieu, car la Marine turque elle-même est intervenue pour chasser le navire français et protéger le navire suspect.

Cet évènement atteint un tel degré d’extraordinaire qu’il doit ici être raconté : deux frégates turques ont illuminé au radar de tir - à...