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La dernière dictature militaire argentine : phases et stratégies (1976-1983)
En mars 2024, l’Argentine a commémoré le 48ème anniversaire du coup d’Etat du 24 mars 1976, qui a donné lieu à des querelles mémorielles entre le président Javier Milei — qui relativise et dément en partie les crimes de la dictature — et ses opposants. Dans ce contexte et pour donner au lecteur français une présentation de cet épisode éminemment complexe et douloureux de l’histoire argentine, j’ai traduit ici le long article publié par une historienne sur le site de Nueva Sociedad.
La dictature imposée en 1976 par les forces armées avec le soutien de la société civile a connu plusieurs phases et des tensions entre différentes visions de l’économie et de l’État. Contrairement à des dictatures comme celle du Chili, en Argentine, les forces armées ont exercé un pouvoir collégial entre les trois armées. Quarante ans après le rétablissement de la démocratie, il reste important de revenir sur les objectifs du coup d’État, ses dimensions économiques et sociales régressives et ses technologies répressives, ainsi que les liens entre la société et le régime militaire.
Le coup d’État et la structuration du régime militaire
Le 24 mars 1976, par un coup d’État, les forces armées renversent le gouvernement constitutionnel dirigé par María Estela Martínez de Perón[1] et instaurent la dernière dictature militaire du XXe siècle en Argentine. L’intervention des forces armées n’est cependant pas nouvelle : à partir de 1930, le pays a été le théâtre d’au moins un coup d’État par décennie (1930, 1943, 1955, 1962, 1966, 1976), ce qui témoigne de la faiblesse des institutions démocratiques et de la présence constante des militaires dans la vie politique.
Le coup d’État de 1976 a été l’une des interventions militaires les plus attendues de l’histoire du pays. Il était évident, depuis les mois précédents, que le gouvernement péroniste n’avait pratiquement plus aucun soutien social ni aucun reste de légitimité politique, ce qui peut expliquer non seulement que l’événement n’ait pratiquement pas surpris les citoyens, mais aussi que la résistance, si tant est qu’il y en ait eu une, ait été imperceptible. Seule une annonce mitigée d’un arrêt de travail général, organisée par un groupe de dirigeants syndicaux de la Confédération Générale du Travail (CGT) et des 62 Organisations Syndicales Péronistes réunies aux premières heures du coup d’État au ministère du Travail, n’a été...
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