Des hommes tués trois fois : profanation des tombes juives du cimetière allemand de Moulin-sous-Touvent (Oise)

Jean-Yves le Naour

Le 15 novembre 2023, alors que 1.500 actes antisémites ont déjà été recensés en France depuis le regain du conflit israélo-palestinien, une dizaine de tombes du cimetière allemand de Moulin-sous-Touvent sont vandalisées. L’affaire a été préméditée, puisqu’il fallait savoir qu’une dizaine de soldats juifs étaient enterrés là, au milieu de 1900 croix.

À Moulin-sous-Touvent dans l’Oise, une dizaine de stèles juives ont été détruites dans le cimetière militaire de la commune. Elles ont été retrouvées dans cet état ce mercredi. (©Association des Souterrains Allemands de Puisaleine et des Environs 14-18 / Facebook)
À Moulin-sous-Touvent dans l’Oise, une dizaine de stèles juives ont été détruites dans le cimetière militaire de la commune. Elles ont été retrouvées dans cet état ce mercredi. (©Association des Souterrains Allemands de Puisaleine et des Environs 14-18 / Facebook)

Avant que la guerre de 1914 n’éclate, ces Allemands de confession juive étaient considérés avec hostilité par la droite allemande. Les pangermanistes, apôtres du sang pur, ne les considéraient pas comme de vrais compatriotes. Et la guerre survint. Alors, un mouvement d’union sacrée se produisit, appelé outre-Rhin Burgfrieden (paix civique) : « Je ne connais plus de partis, je ne connais plus que des Allemands », déclare le kaiser Guillaume II, le 4 août 1914, signifiant que la méfiance à l’égard des socialistes (le premier parti en 1914) et du Zentrum (le parti catholique, assez mal perçu dans cet empire luthérien) doit cesser définitivement. De même, l’antisémitisme disparait subitement des journaux les plus droitiers, union sacrée oblige.

Une vague de patriotisme chauvin submerge le pays, et tout particulièrement la communauté juive – il en va exactement de même en France – qui entend démontrer sa loyauté et la vigueur de son amour pour le Vaterland. Sur environ 500.000 juifs allemands, 100.000 sont mobilisés, dont 10.000 volontaires. 12.000 ne reviendront jamais des tranchées. Mais la guerre s’enlise, elle s’éternise et les passions mauvaises renaissent peu à peu. L’antisémitisme refait donc surface avec la détestation des embusqués et des profiteurs qui, fatalement, ne sont pas de vrais patriotes, mais très majoritairement juifs, dit-on. Cette rumeur est si puissante que le gouvernement, pressé d’intervenir, décide d’organiser, en novembre 1916, un recensement des juifs au front. Sont-ils tous des planqués comme la population le croit ? La rumeur était fausse, évidemment, mais le fait que le gouvernement lui ait tenu la main a meurtri les juifs allemands et, au fond, elle a confirmé les préjugés des antisémites. Pas de fumée sans feu.

Ce n’était rien encore. En 1919, l’antisémitisme flambe dans le pays vaincu. Selon la légende du coup de poignard dans le dos, popularisé par le haut-commandement...

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Historien du XXe siècle, scénariste et romancier.


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