SociétéBlessés de guerre

Guerrier blessé, condamné à kiffer !

Aurélien Dhaussy

Voilà un peu d’argot pour introduire ce nouvel article. Un peu de légèreté, inversement proportionnelle au sérieux et à la pertinence fracassante de ce qui va suivre.

Un jeune militaire blesse au Mali en fevrier 2013, avec une prothèse encore provisoire.
Un jeune militaire blesse au Mali en février 2013, avec une prothèse encore provisoire.PFG/SIPA

J’ai ici travaillé en collaboration avec Laetitia Maligne, psychologue clinicienne et spécialisée dans le psycho-traumatisme, afin de vous expliquer avec une précision chirurgicale une phrase que j’ai tendance à répéter souvent : derrière les plus grands sourires se cachent les plus grandes souffrances.

« Kiffer », terme moderne pour exprimer le fait de prendre du plaisir à faire ou à vivre quelque chose.  Quoi de plus positif auriez-vous envie de nous dire ? Mais imaginez un instant que vous y soyez  condamné... Projetez-vous, et essayez d’entrevoir ce que pourrait-être votre vie si vos deux seules  alternatives étaient « kiffer à mort » ou « mourir faute de kiffer ». C’en devient tout de suite moins  joyeux ! Pour mettre des mots justes sur ce phénomène, je laisse la parole à Laetitia.

L’assonance de ce titre traduit bien la répétition de la problématique dont il va être question  ici. Je précise que le guerrier fait référence à celui qui va à la guerre, le soldat, le militaire, le  combattant qui peut finalement être l'acteur de n'importe quelle bataille qu'elle soit professionnelle,  personnelle, choisie, subie... Je précise que blessé fait référence ici à la blessure psychique, terme que l'on entend pour parler de  l'état de stress post traumatique. Diagnostic médical qui se pose, si des symptômes (flash-back,  cauchemars, évitement, hypervigilance...) persistent pendant plus de 30 jours après un événement. La partie la plus simple à expliquer vient de passer. J'aime l'antonymie apparente de ce presque haïku. Condamné à kiffer ? Il y a pire a-t-on envie de  dire... voyons cela plus en détail.

Imaginez avoir deux réservoirs dans votre cerveau : un pour le stress, un pour la ressource. Les causes exogènes ont la charge du premier majoritairement : les actualités, les agressions, les  évènements de vie, le travail, le rythme de vie... il y a évidemment des causes endogènes mais qui  sont là...

Commentaires

Ce qu'il reste de nous...

Aurélien Dhaucy

Militaire en voie de reconversion, blessé en 2016 lors de l’opération Barkhane après un bombardement au Mali, diagnostiqué d’un état de stress post-traumatique en 2019. Il a quitté le service actif la même année, et lutte depuis pour sa reconstruction et la reconnaissance de sa blessure invisible. Il a décidé de s’engager comme porte-parole des blessés psychiques, et œuvre au profit de ces derniers, notamment par son engagement sur les réseaux, les médias, et par ses actions en partenariat avec l'HIA Legouest, à Metz, visant à recréer du lien social entre les blessés, souvent éseulés. Il est également l’auteur de deux ouvrages sur le thème de la blessure psychique, dont le dernier : « Ce qu’il reste de moi... », publié par les éditions NomBre7, permet une approche accessible et néanmoins complète du SSPT, afin que tout à chacun puisse en comprendre tous les aspects, et ainsi sortir des jugements conditionnés par l’incompréhension. Il servait autrefois la France armé d’un fusil. Aujourd’hui blessé, il a décidé de servir ses camarades, armé cette fois de sa plume et de sa passion pour l’écriture.


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