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La science a dit… ! Mais quelle science ?

Christian Lévêque

L’idée selon laquelle la science est le garant de la « vérité » parce qu’elle est rationnelle est assez largement répandue. Dans les débats, on voit souvent brandir ces arguments d’autorité : « La science nous dit » ou « il y a consensus parmi les scientifiques pour dire que... » ou encore « il est prouvé scientifiquement que... », laissant ainsi penser que la science ayant parlé, la messe serait dite. Et pourtant, cette même société qui la plébiscite quand cela l’arrange est également très critique par rapport aux applications qui en découlent, comme on l’a vu à propos des OGM.

Fanny Boursin, chercheuse, travaille sur la purification et la concentration de la proteine.
Fanny Boursin, chercheuse, travaille sur la purification et la concentration de la proteine.CHARLES BURY/SIPA

Pourtant, cette image d’Epinal d’une science au-dessus de la mêlée, capable de dire le vrai et le faux, est loin d’être le reflet de la réalité de la démarche scientifique, et traduit une profonde méconnaissance du fonctionnement du monde de la recherche. Ma longue expérience de ce domaine m’a appris que la science est faite par des hommes qui, comme les autres, ont eux aussi leurs croyances, leurs partis-pris, et leurs egos.

Ce n’est pas sans raison que le sujet de l’intégrité scientifique a connu un regain d’intérêt en France, avec la publication en 2016 d’un rapport remarqué sur la question par le Pr Pierre Corvol, qui faisait état de différentes « méconduites », un terme poli pour parler de fraude ou de manipulations des données. Ce rapport a été jugé suffisamment pertinent pour donner lieu à la création de l’Office français de l’intégrité scientifique (OFIS) [1]. Ce n’est pas sans raison non plus que les instituts de recherche se dotent de comités de déontologie. Il ne s’agit pas disant cela d’accabler la recherche, car les cas de méconduites caractérisés ne sont pas légion, mais ils existent. Les plus connus concernent les travaux sur les effets du tabac, financés par les cigarettiers.

Mais la question de la croyance en la science ne réside pas là. Il faut remonter au scientisme, cette attitude apparue au XIXème siècle, qui affiche une entière confiance en la science et ses résultats, seule source fiable de savoir [2]. Seules les connaissances scientifiques éprouvées peuvent être réputées sûres, par rapport aux spéculation philosophiques et aux dogmes religieux. Dans le contexte de l’époque, il était important de bien marquer l’indépendance de la science naissante par rapport à la théologie chrétienne et à la pensée magique. On a donc forcé un peu le trait, mais l’idée de la...

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Christian Lévêque est directeur de recherche honoraire de l’IRD. Spécialiste en écologie aquatique il a publié de nombreux ouvrages sur l’écologie et la biodiversité. Membre et président honoraire de l’Académie d’Agriculture, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer, il a également une bonne expérience des grands programmes internationaux.


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