InternationalEspace

L’espace, rival et vital enjeu de puissance

Hervé Couraye

Le sujet de cet article de blog prend de la hauteur par rapport à la rivalité que se livre, dans l’espace le plus intime, chacune des puissances, à savoir celui de leur sécurité nationale. Je fais mienne la citation de Lyndon Johnson, lors de la signature du traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 : « Le pays qui remporterait la course à l’espace gagnerait le contrôle totale de la planète, qu’il entretienne des visées tyranniques ou soit au service de la liberté. » Apprécions cette phrase dans son contexte de l’époque, mais, lorsqu’on évoque l’espace et ses rivalités, c’est de suprématie dont il est question, et particulièrement de la capacité des puissances à se positionner sur le septième continent de la Terre ; la Lune. Comme je le rappelle dans l’ouvrage Rivalité sino-américaine en Indo-Pacifique, nous observons que cette rivalité soulève alors une question stratégique qui s’adresse à chacune des puissances d’entre elles : où allons-nous ?

Fusée Artemis
Fusée ArtemisPat Benic/UPI/Shutterstock/SIPA

La rivalité des rapports entre les États-Unis et l’URSS, à l’époque, était la question centrale. Mais une passation de la puissance à deux puissances des BRICS est en cours : comme le démontrent, tour à tour, la Chine et ses capacités technologiques, illustrées par les missions lunaires Chang’E de 2020 et martienne Tianween de 2021, puis l’alunissage réussi de la mission lunaire Chandrayaan-3 de 2023 pour l’Inde, nouveau venu dans ce cercle. Nul doute que ce succès ne fait que marquer la prochaine étape de son programme, qui vise à placer l'Inde parmi les superpuissances spatiales mondiales. Si les États-Unis ont perdu, en apparence, leur rival historique russe, qui a d’autres soucis en tête, et dont les espoirs de revenir dans le jeu de son passé ont ponctuellement disparu, avec l’échec de la sonde Luna 25, en août 2023, ils peuvent compter sur un nouveau moment qui fait prendre aux dirigeants Chinois et Indiens conscience de leurs poids, et galvaniser leur ambition de puissance, avant d’atteindre leur paroxysme avec un nouveau « Moonshot ». Accéder à ce statut de puissance spatiale, c’est aussi donner forme à l’ordre mondial, élaborer un ensemble de normes internationales et façonner dans l’avenir sa gouvernance.

On ne saurait omettre l’influence de la France, qui est bien placée dans un certain nombre de capacités technologiques du spatial, mais l’enjeu collectif que nécessite le sens européen, indéniablement, annihile une dynamique propre à exister comme acteur significatif dans ce monde à quatre. La quête d’un statut que nous inspire la forte remarque gaullienne: « L’espace, le levier d’Archimède des États-Unis. »

La sécurité mondiale et l'espace sont entrés dans une nouvelle ère

Mais, au-delà de cette nouvelle rivalité, c’est une compétition de valeurs qui s’opère, qui remodèle petit à petit l’ordre mondial. Les deux seuls pays qui peuvent, non pas lutter d’influence...

Commentaires

Monologue de l’Indo-Pacifique

Hervé Couraye

Hervé Couraye est docteur en science politique. Il vit et travaille au Japon depuis de nombreuses années. Il est également conseiller Indo-Pacifique de la revue Politique Internationale.


Factuel ouvre un espace blogs, distinct de la rédaction et en accès libre. Nous y accueillons des blogueurs invités, que nous avons sélectionnés pour la force de leur témoignage ou l’acuité de leur regard sur le monde et la société. Nous y convions des experts de multiples spécialités (géopolitique, défense, énergie…) qui y trouveront un espace d’expression libre. 

Cette partie de notre site sera aussi ouverte à des voix de la société civile qui donneront ainsi à voir différentes facettes de la réalité de notre société et de ses mutations.

DÉCOUVRIR LA CHARTE