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L’ingénierie sociale des Imbéciles vue par Giovanni Papini
Giovanni Papini était un écrivain italien de la première moitié du XXe siècle, dont l’œuvre majeure est sans conteste Gog, un roman psychanalytique publié en 1931 alors que le genre était très en vogue et dont La conscience de Zeno d’Italo Svevo est le plus connu de tous. Entretenant des rapports équivoques avec le fascisme, farouchement antinazi, Papini prononça un discours humaniste à la conférence de l'Union européenne des écrivains à Weimar en 1942, tranchant avec le climat intellectuel de l’époque. Les Imbéciles est une compilation de textes réunis en 1931, où il s’attaqua à un inépuisable sujet de polémique qu’est le crétinisme social. On le trouve en France publié aux éditions Allia.
![Giovanni Papini](https://images.factuel.media/OS1Z0Rn37Xgt6q0vaoi293sD37w=/3840x0/smart/filters:quality(60):max_bytes(300000)/factuel/2024/02/OIP%20(2).jpeg)
« La grande machine du monde humain ne possède pas de mécanismes plus actifs et plus universels que les idiots », pourra ainsi lire le lecteur parmi les nombreuses autres saillies qui parsèment les quelques cinquante pages de l’ouvrage, sans qu’il ne soit d’ailleurs vraiment donné l’occasion de contredire l’auteur. Ce serait toutefois se contenter d’une lecture superficielle que de prêter à Papini un ton polémique bête et méchant qui ne consisterait qu’à taper sur les doigts de la bonne société sans saisir l’ingénierie sociale qui est au cœur de sa critique. Les « imbéciles » qu’il cible se caractérisent en effet par des traits que le lecteur du XXIe siècle ne sera pas en peine de reconnaitre.
Les idées courantes énoncées par le stupide ne sont que lieux communs, c’est pourquoi elles sont approuvées par ses semblables qui sont légion.
L’imbécile papinien, appelons-le ainsi, est avant tout un mondain, un fréquenteur de salons assidu qu’il imagine le centre de gravité de l’univers alors qu’il s’agit de celui de son propre nombril, et enfin un conformiste qui considère les idées les plus convenues comme les plus subversives. Comme Papini l’écrit avec un brillant sens de la formule : « Les idées courantes énoncées par le stupide ne sont que lieux communs, c’est pourquoi elles sont approuvées par ses semblables qui sont légion. » En bref, il avait presque décrit l’effet Dunning-Kruger bien avant les psychologues éponymes, encore que l’imbécile papinien n’a pas de compétence particulière à surestimer. C’est son narcissisme social qu’il exalte en premier lieu, mais il reste avant tout un idiot intégral.
Le nombre est justement la qualité première de l’imbécile, « où qu’il aille, [il est] parmi ses pairs, parmi ses frères et ses compagnons. Il est, par esprit naturel de corps, aidé et protégé », insiste Papini. Il s’épanouit...
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