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Monténégro et Kosovo : une situation monétaire unique aux portes de l’Union européenne

Andréa Clément

L’Union européenne (UE) et ses instances ne cesseront d’étourdir de spécificités et exceptions en tous genres. Pour parvenir à tout suivre, faut-il encore être bien attentif. Dire que l’UE est composée des 27 est juste, mais ne suffit pas à la résumer. En réalité, peu de ses États-membres se retrouvent dans une situation parfaitement similaire. Pour preuve, certains font partie intégrante de l’UE, mais refusent la monnaie unique. Certains sont membres d’instances, mais déclinent l’intégration à d’autres, ou semblent faire le strict minimum pour ne pas remplir certains critères. À l’inverse, des États européens ne sont pas encore membres de l’Union et, pourtant, font partie de l’espace Schengen, ont signé des accords de libre-échange, ou obtiennent des statuts particuliers. Le Monténégro et le Kosovo, en sont des exemples. Alors qu’ils ne font, pour l’instant, aucunement partie de l’Union, ces derniers utilisent toutefois l’euro depuis plus de 20 ans.

Euros croates
Euros croatesCROPIX/SIPA

Le premier semestre 2022 a été marqué par la présidence française de l’Union européenne. Charles Michel, président du Conseil européen, a souligné, au moment du bilan, « la volonté politique très forte de redynamiser le processus d’intégration des Balkans occidentaux » [1] à l’UE. Cela étant, ce dernier se traduit différemment d’un État de la région à un autre. À ce titre, deux d’entre eux jouissent d’une situation inédite. D’un côté, le Kosovo, dont le statut peine à faire consensus, malgré une indépendance déclarée unilatéralement en 2008. De l’autre, le Monténégro, ancienne république yougoslave, puis partie intégrante de l’union politique de la Serbie-et-Monténégro, est un État indépendant depuis 2006. Si le dernier détient le statut de candidat officiel depuis 2010, aucun de ces deux États ne fait pour autant officiellement parti ni de l’Union européenne, ni de l’eurozone.

Pourtant, dès 2002, Pristina comme Podgorica, pas encore indépendantes, ont choisi d’utiliser l’euro comme devise principale, au moment où les 11 pays-membres de l’Union introduisent l’euro comme monnaie fiduciaire. Avant cela, le deutschemark était la monnaie principale. Cette monnaie allemande s’est donc naturellement changée en euros. Mais le contexte d’utilisation entre ces différents États est néanmoins différent. Ceux faisant partie de l’Union monétaire ont choisi de faire circuler l’euro dans un contexte d’intégration. Or, le Monténégro et le Kosovo l’ont surtout fait dans un contexte de séparation d’avec Belgrade.

Jusqu’ici, rien ne semble vraiment sortir de l’ordinaire. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais il existe cependant une spécificité. L’adoption de l’euro s’est faite en toute indépendance, sans négociation avec Bruxelles, ni besoin de satisfaire quelconques critères du traité de Maastricht.

Mais alors, comment cela est-il possible ?

Euroïsation unilatérale

C’est ce qu’il est convenu d’appeler le processus d’euroïsation unilatérale [2]. Lorsqu’un État choisi de remplacer sa monnaie nationale par une devise étrangère. Ce processus...

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Repetita iuvant

Andréa Clément, diplômée d’un Master 2 Sciences Politiques, Relations Internationales, Sécurité Défense, est conseillère en affaires militaires auprès de la Fédération de la Diplomatie des Nations Unies. Après plusieurs séjours à l’étranger, c’est notamment son expérience en tant qu’analyste au sein de l’ambassade de France à Sarajevo qui l’a conduite à travailler sur Balkans occidentaux.


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