PolitiqueItalie

Quand le Quirinal rêvait de la Ve République

Fabrizio Tribuzio-Bugatti

Charles de Gaulle fut un jour à la mode en Italie. Bien que méprisé des lettrés comme Dino Buzzati ou Pier Paolo Pasolini, il n’en fut pas de même du côté politique, où le général exerça une fascination certaine pour Giovanni Gronchi, deuxième président de la jeune République italienne. Chef d’État de 1955 à 1962, sa pratique du pouvoir reste encore aujourd’hui, et ce malgré les tumultes de l’ère berlusconienne, une étrangeté dans la vie politique de la péninsule.

Palais du Quirinal lors de la fête nationale italienne
Palais du Quirinal lors de la fête nationale italienne Cecilia Fabiano/LaPresse cecilia/SIPA

N’étant ni issu de l’armée, ni président tout à fait au même moment que Charles de Gaulle tout en étant bien plus âgé que lui au moment de son élection, Giovanni Gronchi correspond à l’image véhiculée par les premiers présidents italiens. Ancré au centre-gauche de l’échiquier politique au sein de la toute-puissante Démocratie Chrétienne, fils de boulanger et soucieux d’inclure les classes populaires dans le processus politique, il eut aussi pour ambition d’impliquer sa fonction dans le processus de décision publique.

Si la Constitution italienne prête à la péninsule un parlementarisme des plus traditionnels, limitant le président de la République à ce que la France surnommait le « président des chrysanthèmes », Giovanni Gronchi se démarqua par un dédain affiché envers le rôle institutionnel qui lui fut confié, au point qu’on lui prêta par la suite l’intention de conduire la République italienne dans le sillon de la toute jeune Ve République. À ce titre, ce jeune président italien – d’alors 77 ans – n’eut de cesse de s’impliquer dans la politique étrangère de son pays, envers et contre son gouvernement, qui le rappela plusieurs fois à l’ordre par la voie du ministère des Affaires étrangères. Provoquant une véritable cacophonie diplomatique, Giovanni Gronchi se fit ouvertement le partisan d’une réunification de l’Allemagne dans un entretien accordé au Christian Science Monitor, sans compter l’adresse d’un courrier officiel à son homologue étasunien, Dwight Eisenhower, sans qu’il en eût informé au préalable son ministre comme le veulent les règles institutionnelles italiennes – courrier finalement intercepté par le gouvernement italien. S’il intéressa un temps le Kremlin, alors soucieux de s’attirer les faveurs de politiques extérieures équilibrées, comme celle que mènera Charles De Gaulle, Giovanni Gronchi décevra rapidement les espoirs de Moscou. Lors d’un déplacement en février 1960, le président italien sera ainsi accueilli par les sarcasmes...

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Souvenirs du bel paese

Fabrizio Tribuzio-Bugatti

Fabrizio Tribuzio-Bugatti est juriste et essayiste. Il a été rédacteur en chef de la revue pasolinienne Accattone. Son dernier livre est « Le futur était déjà fini » (éditions des 60 – L'esprit du temps).


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