ÉnergieÉconomie

Quand les pétroliers quittent le vert…

Samuel Furfari

Le monde complexe de l’énergie dépend de la science et de l’économie. Ceux qui croient encore que les décisions politiques et le verdissement d’image vont inverser ces fondamentaux répètent, une fois de plus, les erreurs du passé. Après ExxonMobil, la compagnie pétrolière Shell a annoncé qu’elle allait désinvestir dans le secteur des énergies vertes. Si ces entreprises s’étaient souvenues de leur passé, elle ne s’y serait jamais engagée. À chacun son métier : l’avenir des pétroliers, c’est leur passé, pas l’énergie subventionnée.

Plateforme pétrolière en mer de Barents
Plateforme pétrolière en mer de Barents Lev Fedoseyev/TASS/Sipa USA/SIPA

Lors des crises pétrolières des années 1970, pensant que le pic pétrolier avait été atteint – du moins en termes économiques – les compagnies pétrolières ont toutes investi massivement dans la production de charbon. Le charbon et l’énergie nucléaire étaient considérés comme le salut de la géopolitique énergétique. D’ailleurs, le slogan de la stratégie de la Commission européenne était COCONUC pour Coal (charbon), Conservation (comme on appelait alors les économies d’énergie), et le Nucléaire.

Les pétroliers ont investi dans le charbon

En pleine panique pétrolière, le charbon est apparu comme la solution indispensable pour produire de l’électricité et même du pétrole synthétique. De nombreux projets charbonniers voient le jour sous l’impulsion des compagnies pétrolières. Exxon a construit l’un des plus grands projets charbonniers, la mine El Cerrejón, en Colombie, dans le nord du pays. La joint-venture avec Carbocol, l’entreprise nationale, a commencé ses activités en 1984. La française, Total, avait créé Total Charbon, qui avait acheté des mines en Afrique du Sud, entre autres, tandis que l’italienne Eni avait fondé Eni Carbone pour préparer son entrée massive dans le secteur du charbon.

Shell avait fait de même. À la fin du siècle dernier, Shell Coal possédait en Australie 5 mines et 4 participations majoritaires, en plus de détenir des parts dans 3 des principaux terminaux d’exportation de charbon du pays. Shell Coal était le troisième producteur de charbon d’Australie, avec une production de 13,3 millions de tonnes en 1998.

Mais lorsque le réalisme est revenu, que l’on s’est rendu compte que le pétrole est abondant et sera disponible tout au long de ce siècle, le climat plus serein – que j’ai présenté dans mon livre Vive les énergies fossiles. La contre-révolution énergétique (édition Texquis, 2013) – les a incités à se retirer de l’industrie charbonnière. Elles ont vendu tout ou...

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Géopolitique de l’énergie

Puits de pétrole

Samuel Furfari est un ingénieur polytechnicien et docteur en sciences appliquées de l'Université libre de Bruxelles. Pendant 36 ans, il a été haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Il est professeur de géopolitique et de politique énergétique depuis 20 ans, actuellement à l'ESCP-Londres et pendant 18 ans à l’ Université Libre de Bruxelles Il est l'auteur de nombreux articles et de 18 livres sur l'énergie et le développement durable. Son dernier livre est « Energy insecurity. The organised destruction of the EU’s competitiveness. »


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