EducationSociété

Après la mort de Dominique Bernard. L’École doit-elle être tolérante ? Faut-il respecter les religions ?

Jean-Yves le Naour

Grâce à Pierre Heudier, vice-président des amis d’Alain, cet article du philosophe radical, datant de 1900, a été heureusement exhumé. Il résonne incroyablement avec notre triste actualité. À l’heure où l’école est accusée d’intolérance par les ennemis de la liberté, ce qui ne manque pas de sel, à l’heure où l’on attaque des professeurs parce qu’ils enseignent l’esprit critique qui émancipe, il est important de revenir aux débats sur l’enseignement et le respect des croyances. Pour ne plus tomber dans le piège de la tolérance. Comme disait Clemenceau, « la tolérance, il y a des maisons pour cela. » Hier comme aujourd’hui, c’est toujours le même combat de la raison contre la vérité révélée, de la liberté contre la police religieuse de la pensée, de la lumière contre l’obscurantisme.

Funérailles de Dominique Bernard
Funérailles de Dominique BernardFRANCOIS GREUEZ/SIPA

Ceux qui dirigent ou surveillent l’enseignement donné par l’État ne laissent échapper aucune occasion de parler du respect qu’ils ont pour toutes les croyances, et de la neutralité stricte qu’ils entendent conserver ; et ils ont raison d’opposer ainsi leur tolérance et leur modération à la violence et à l’intolérance…

Mais encore est-il bon de s’entendre, et de ne pas paraître promettre plus qu’on ne peut tenir.

Il est bien entendu que pour les pendaisons, les bûchers, les brodequins et le supplice de l’eau considérés comme moyens de persuasion, nous sommes tous d’accord. De même aussi nous croyons que la torture contemporaine, qui consiste en injures, calomnies, sobriquets et cris d’animaux, est tout à fait contraire au respect que chacun de nous doit à la personne d’autrui. Que l’État s’engage à ne jamais user d’arguments de ce genre pour ouvrir l’esprit des enfants, rien de mieux.

Mais pourtant, il faut bien instruire ; et instruire c’est troubler, c’est inquiéter, c’est irriter même quelquefois. Le dormeur qu’on secoue et qu’on réveille se plaint souvent. 

Mais pourtant, il faut bien instruire ; et instruire c’est troubler, c’est inquiéter, c’est irriter même quelquefois. Le dormeur qu’on secoue et qu’on réveille se plaint souvent. La discussion libre et la contradiction sont souvent prises pour des espèces d’injures, et l’on sait qu’une des graves offenses que l’on puisse faire à quelqu’un, c’est de n’être pas de son avis, lorsqu’il vous en prie.

Allons-nous donc, par bonté d’âme, épargner à l’erreur et à l’ignorance les attaques de la libre critique ? Allons-nous, faibles médecins, aimer la maladie à force d’aimer le malade, et respecter dans autrui jusqu’aux faiblesses qui le rendent moins respectable ?
 Et sans doute on va répétant que toutes les croyances sont respectables. Mais cela n’a aucun sens. Toutes les personnes sont respectables ; mais...

Commentaires

L'histoire au présent

image blog JYLN

Historien du XXe siècle, scénariste et romancier.


Factuel ouvre un espace blogs, distinct de la rédaction et en accès libre. Nous y accueillons des blogueurs invités, que nous avons sélectionnés pour la force de leur témoignage ou l’acuité de leur regard sur le monde et la société. Nous y convions des experts de multiples spécialités (géopolitique, défense, énergie…) qui y trouveront un espace d’expression libre. 

Cette partie de notre site sera aussi ouverte à des voix de la société civile qui donneront ainsi à voir différentes facettes de la réalité de notre société et de ses mutations.

DÉCOUVRIR LA CHARTE