La frontière, la Nation et le chaos

Didier Lemaire

Détruire la frontière, c'est s'attaquer à la souveraineté de la Nation. On peut la détruire par la guerre ou, de façon plus volontaire, en soumettant notre droit à des normes juridiques et politiques en contradiction avec les nôtres. On peut la détruire également en ne contrôlant plus les entrées dans un territoire.

Emeutes à Bordeaux le 29 juin 2023
Emeutes à Bordeaux le 29 juin 2023Stephane Duprat/SIPA

Historiquement, la frontière est une invention qui coïncide avec la naissance de la Nation et le passage d'une société régie par des relations hiérarchiques entre des groupes, – grosso modo, l'empire et la féodalité –, à une « société intégrée », comme l'explique l'anthropologue Marcel Mauss dans son livre La nation ou le sens du social. Qu'est-ce qu'une « société intégrée » ? C'est une société dans laquelle les groupes ne sont plus cloisonnés et où ce sont les individus qui échangent, d'où les principes de liberté et d'égalité qui régissent leurs lois.

Le Président, garant de l'unité de la Nation, vient d'inventer une nouvelle manière de détruire la frontière : de l'intérieur, en créant de toutes pièces, à l’intérieur même du territoire, au nom d'une idéologie identitaire, un Peuple étranger au reste des citoyens. En violation avec le principe constitutionnel qui interdit de reconnaître des droits distincts à des catégories particulières de citoyens, selon leurs origines, cultures, langues ou croyances, le Président a décidé de donner un statut dérogatoire à une « communauté » ethnique, la « communauté Corse ».

Il faut bien nous rendre à l'évidence : nous assistons au démantèlement de la Nation. Et l'affaiblissement des services publics, – à commencer par l'école, la police et la Justice –, est la manifestation la plus visible de ce démantèlement. Je ne parle même pas ici de la perte du sens de la mission de service public mais d'une dégradation et d'une perversion de chacun de ses services détournés de leurs fins.

Dans le champ politique, des formes variées de dépossession de la citoyenneté ne cessent de miner l'unité nationale. Les partis ne se positionnent plus comme les représentants de la Nation, quand ils n'en appellent pas à un peuple fantasmagorique, préexistant à sa représentation. Le clientélisme a remplacé le débat d'idées qui portait sur la définition de...

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Dans l'œil du chaos

Dans l'oeil du chaos.

Didier Lemaire fut professeur de philosophie au lycée La Plaine de Neauphle, à Trappes, pendant vingt ans. Après avoir alerté de l'emprise islamiste sur ses élèves, il fut conduit dans ses classes sous escorte policière pendant quatre mois avant d'être placé sous protection et de devoir mettre en suspens sa carrière d’enseignant. Il est l’auteur de la Lettre d’un hussard de la République (Robert Laffont, 2021) et de Petite philosophie de la nation (Robert Laffont, 2022).

Il a récemment fondé une association, Défense des serviteurs de la République, afin d'apporter un soutien matériel, financier, moral et juridique à tous ceux dont l'autorité, la sécurité ou les libertés sont menacées parce qu'ils défendent les principes républicains : agents de la fonction publique ou assimilés, élus, lanceurs d'alerte ou simples citoyens.


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