Amérique du SudCône sud

La militarisation de la sécurité de Brasilia à Buenos Aires

Lucas Favre

L’implication des militaires latino-américains dans la sécurité et, en particulier, dans la lutte contre le trafic de drogues, figure sans aucun doute parmi les images d’Épinal associées au sous-continent. Et force est de constater que cette réputation n’est pas forcément usurpée, par-delà même les clivages politiques.

Armée colombienne en juillet 2023
Armée colombienne en juillet 2023Chepa Beltran / VWPics/SIPA

Le « progressiste » Lula recourt ainsi de plus en plus à l’armée pour lutter contre les narcotrafiquants, tandis que le « très progressiste » Gabriel Boric, président chilien, n’hésite pas à faire appel aux militaires pour gérer les flux migratoires à ses frontières septentrionales. Le Paraguay, gouverné par des conservateurs depuis 2012, déploie lui aussi des soldats en appui de ses forces constabulaires dans ce domaine. Quant à l’Argentine, l’alternance des péronistes et anti-péronistes laisse inchangée une dynamique de croissante intervention des forces armées dans nombre de tâches de sécurité intérieure. Et même l’Uruguay, pays de la zone le moins militariste politiquement au cours du XXe siècle, se met lui aussi à confier des fonctions sécuritaires à ses forces armées — dans des proportions certes moindres.

Pression de Washington 

Si l’héritage des diverses dictatures militaires n’est pas anodin, la cause principale de la militarisation actuelle des politiques de sécurité latino-américaines en général, et du Cône Sud en particulier, est la pression en ce sens de Washington depuis les années 1970. Car, si la Chine a fait depuis les années 2000 une entrée fracassante sur le plan commercial, les États-Unis restent — en dehors des exceptions cubaine et vénézuélienne —, l’acteur extérieur majeur du sous-continent dans les domaines sécuritaires et militaires. Et leur agenda sécuritaire pour cette région peut se résumer en deux termes : priorité donnée à la lutte contre le crime transnational (terrorisme et narcotrafic), et rôle des forces armées comme « combattants du crime » (crime fighters).

Premier marché du monde pour le narcotrafic, les États-Unis s’impliquent dans la lutte contre celui-ci en Amérique latine dès les années 1970. En 1973, Richard Nixon déclare une « guerre mondiale totale » au narcotrafic lors de la création de la DEA (Drug Enforcement Administration), agence justement fondée afin...

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Le Midi des Amériques

Lucas Favre

Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence en Histoire militaire et en Géostratégie, Lucas Favre a vécu plusieurs années en Argentine, et a écrit divers textes sur l'Amérique Latine.


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