Société

Les retours ne sont pas tous glorieux

Myriam Meyer

Allongée dans mon lit, je repense aux vidéos d'Américaines atteintes de cancer et rentrant chez elles après leur hospitalisation. Ça se trémousse sur le perron, ça affiche une énergie folle, ça remercie Dieu, le mari, les voisins, ça pose fièrement entre deux cupcakes et une banderole de welcome-back à paillettes. Tout est joyeux, et doux, et glamour.

Dans la douche
Claire S2C

Le chien lui-même a l’air de trouver la parenthèse cancer quite nice. Quant à la malade – appelons-la Megan –, mollement étendue sous un plaid, dans une tenue loose camel, elle affiche une mine woke-up-like-this à faire ressusciter Geneviève de Fontenay, tandis que sa progéniture semble n’avoir besoin de rien d’autre que de lui apporter des mugs de matcha latte fumants.

Pour ma part, je suis noyée dès mon retour sous les impératifs des enfants qui s’attendaient à ce que leur mère parte cinq jours (maximum), et revienne, alerte et pimpante, ses tumeurs attachées à la ceinture comme autant de scalps victorieux.

Or, ce n’est que dix jours plus tard que je refais surface, piteuse et assommée par deux anesthésies générales, un bras en attelle. Entre temps, la vie ne s’est pas arrêtée : une paire de baskets est morte, on a perdu le planning du cours de tennis, le lave-vaisselle est en panne. La pharmacie a livré des boîtes de pansements et de piqûres qui envahissent le salon comme un arbre de Noël maléfique. Numéro 3, que j’attendais impatiemment derrière la porte, tendant de toutes mes forces mon seul bras valide vers lui, a préféré m’esquiver et foncer dans le couloir que de se loger tendrement contre moi. Megan, elle, a droit à des hugs bouleversants d’amour. Moi, mon fils me boude.

Tout le monde se réjouit de ma victoire. Je ne partage pas cet enthousiasme. Je suis devenue un être bancal, plein de cicatrices, faible et dépendant des autres. Prendre une douche est un gymkhana. Grenouille hémiplégique parcourant un champ de mines, je suis censée me laver sans mouiller la zone opérée, nettoyer mes cicatrices sans laisser d’humidité, tamponner mais pas frotter, le tout de la main droite, et en veillant à ne surtout pas bouger le bras...

Commentaires

Journal de bord d’une cancéreuse

Myriam Meyer

Épouse, mère de famille recomposée, professeur de lettres classiques, cévenole et parisienne.


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