Ne pas faire d’histoire(s)

Sur la forme, pourtant, tout est semblable : le titre, racheté par LVMH, se voit imposer un chargé de « la ligne éditoriale » en la personne de Franck Ferrand, lui aussi fervent partisan d’Eric Zemmour. Ici Bolloré, là Bernard Arnault, mêmes méthodes, mêmes idées. La ligne d’un magazine d’histoire semble a priori moins importante que celle d’un journal d’information, mais c’est oublier que l’histoire n’est pas neutre, qu’elle sert à éclairer le présent et à lui donner sens. Aldous Huxley ne soutenait-il pas déjà que celui qui contrôle le passé, contrôle l’avenir ?

Allons, voilà de bien vaines inquiétudes. Et puis, Franck Ferrand a bien le droit d’avoir les idées politiques et les engagements qu’il veut. S’il lui sied de considérer que le discours de Villepinte par lequel Eric Zemmour a lancé sa campagne en décembre 2021 fut « le discours d’un roi » et qu’il est à comparer à Churchill, de Gaulle et Martin Luther-King (rien que cela), telle est sa liberté. S’il est persuadé que le discours du polémiste fera date et qu’on en apprendra des extraits à l’école dans l’avenir, libre à lui de se faire prophète. Mais quand la politique déborde sur l’histoire ? Un exemple : dans ses chroniques de Valeurs actuelles (on y revient), Ferrand s’interroge sur la disparition de la civilisation minoenne. Les Crétois se sont simplement installés dans le « confort » et la prospérité et ont importé de la main-d’œuvre immigrée pour travailler à leur place. Résultat, ils ont été « grand-remplacés » et ont disparu de l’histoire. Est-ce vraiment de l’histoire ou un tract politique ?

Comprenant qu’un engagement aussi marqué risque de nuire au titre vénérable d’Historia (110 ans d’âge), dont les lecteurs n’ont pas forcément envie d’une leçon d’histoire zemourienne, à base de décadence et de « c’était-mieux-avant », Franck Ferrand aurait décidé de mettre fin à sa collaboration avec Valeurs...