SociétéStress post-traumatique

Première muraille, dernier rempart

Aurélien Dhaussy

La plus grande souffrance pour un militaire blessé psychique que l’on place en position d’inactivité, c’est le sentiment d’inutilité. Nous nous engageons pour servir notre pays, en protéger son peuple, défendre des valeurs fortes que beaucoup tendent à oublier.

Militaires français
Militaires français à Gao au Mali en 2021Jerome Delay/AP/SIPA

Se sentir inutile

C’est un métier-passion, fait d’honneur et de concessions sans pareilles. Nous sommes prêts à aller jusqu’au sacrifice ultime s’il le faut, du moment que cela sauve des vies. Tels des outils sur un établi, nous n’avons de valeur et notre engagement n’a de sens qu’à partir du moment où nous  sommes utiles, où l’on a besoin de nous.

Or, une fois en arrêt, le militaire se retrouve seul chez lui, face à ses tourments, et bien souvent confronté à l’incompréhension de sa famille. Les  cauchemars, les tensions, les reviviscences, et tout ce qui va avec l’état de stress post-traumatique, étaient déjà là avant et le militaire composait déjà avec ces bagages trop lourds, armé de son déni. Mais le plus insupportable à vivre c’est encore l’abandon des pairs, et ce sentiment incommensurable d’inutilité que l’on peut ressentir du fait que plus personne ne nous demande rien. Alors vient l’isolement, la conduite la plus dangereuse qui soit pour un militaire  dans cette situation. Éduqué à faire bonne figure, entraîné à endurer, formaté à ne jamais se  plaindre, le blessé tente alors de briller par son absence. Il s’efface, et tant qu’il en a la force, il attend. Dans l’ombre, il patiente que quelqu’un dans son entourage lui face sentir qu’il peut  encore être utile. Mais si cela tarde trop, l’isolement volontaire qui n’est finalement rien d’autre  qu’un cri silencieux venu du cœur, finira par le tuer.

Première muraille

Nous connaissons tous l’expression attribuée à Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord : « Derrière chaque grand homme se cache une femme ». Dans le cas du militaire, elle  aurait plutôt tendance à se placer devant. En effet, l’épouse (ou le mari) de militaire est la première muraille contre l’adversité, la pression et le stress que peut subir son conjoint. Elle a le pouvoir de...

Commentaires

Ce qu'il reste de nous...

Aurélien Dhaucy

Militaire en voie de reconversion, blessé en 2016 lors de l’opération Barkhane après un bombardement au Mali, diagnostiqué d’un état de stress post-traumatique en 2019. Il a quitté le service actif la même année, et lutte depuis pour sa reconstruction et la reconnaissance de sa blessure invisible. Il a décidé de s’engager comme porte-parole des blessés psychiques, et œuvre au profit de ces derniers, notamment par son engagement sur les réseaux, les médias, et par ses actions en partenariat avec l'HIA Legouest, à Metz, visant à recréer du lien social entre les blessés, souvent éseulés. Il est également l’auteur de deux ouvrages sur le thème de la blessure psychique, dont le dernier : « Ce qu’il reste de moi... », publié par les éditions NomBre7, permet une approche accessible et néanmoins complète du SSPT, afin que tout à chacun puisse en comprendre tous les aspects, et ainsi sortir des jugements conditionnés par l’incompréhension. Il servait autrefois la France armé d’un fusil. Aujourd’hui blessé, il a décidé de servir ses camarades, armé cette fois de sa plume et de sa passion pour l’écriture.


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